intentions de mise en scène




Le terme ici est à prendre au pied de la lettre, comme si, physiquement, l’action consistait à mettre, en scène, ces mots, l’énergie, le souffle qui les a portés sur la page, de cette façon là, dans cette topographie là.

Pas plus que la voix propre de tel ou tel personnage, il ne s’agit pas de jouer la voix de Hélène Bessette, mais que la voix humaine de l’actrice fasse entendre par son corps la voix d’encre d’Hélène Bessette et toutes les voix qu’elle fait naître en corps noirs sur blanc.

Dire le roman-poème, en plaçant non pas les personnages dans la situation décrite, mais le spectateur dans la situation provoquée. Tenter avec le public ce qu’Hélène Bessette propose entre l’auteur et le lecteur, quand elle revendique un roman contractuel et inachevé.

Pas de représentation. Personne ne prend en charge les personnages - et nous en débarrasse par la même occasion. Non. Madame Besson & co ne sont pas dans leur salon, là-bas, loin, ailleurs ; elles flottent dans la salle.
La démarche s’appuie sur un training physique, vocal et de respiration.
Vient ensuite un travail sur l’imaginaire sur les mots, les personnages et les situations évoquées, qui permet de faire du texte un tissus extrêmement précis et concret.
Puis il s’agit de travailler de façon très pragmatique à la partition suggérée par l’écriture de Bessette jusque dans la topographie de la page afin de trouver le rythme, le tempo, la respiration du texte et son voyage dans le corps et la voix de l’actrice. L’adaptation se fait au plateau.
Par le rythme, on s’abstrait progressivement de l’interprétation pour laisser le texte prendre corps.


scénographie
De la même façon que les personnages disparaissent instantanément si on cherche à les représenter, il est impossible de rien figurer. On n’a droit à aucun appui. Les appuis se dérobent et conduisent radicalement à la chute. Il faut donc être seul. Pas de décor.
Le travail de scénographie consiste ici à agir sur les perceptions physiques, et à stimuler par le traitement de l’espace l’imaginaire du spectateur et un rapport aussi intime que possible entre chacun et l’œuvre.


lumière
L’écriture de Hélène Bessette est terriblement sombre, dans son humour, dans sa cruauté. Elle jette une lumière crue sur les choses. Mais elle crée aussi un halo proprement lumineux. Elle crée de la lumière au bout du tunnel, même si elle crée en même temps le tunnel qui maintient impitoyablement la lumière à distance.

Il y a la nuit noire. Et cette qualité particulière de la lumière blanche de la lune.
(L’ombre de Ida plane sur tout le récit. Les seuls mots qu’on a pu tirer d’elle : “Je suis un oiseau de nuit”.)

La lumière ici sera travaillée non seulement pour éclairer, mais aussi pour sa qualité propre. On s’inscrit dans cette démarche. La lumière prend une part active à la traversée du récit. Noir dense. Blanc strident.


univers sonore
La Passion selon Saint Jean, citée par Hélène Bessette, version Joy Division ou Sex Pistols.
Les frottements. Les bruissements. Le cri du frein. Le silence. Le vol d’un oiseau de nuit.


onde de choc
Cette résonnance profonde dont je parle, ça n’est pas parce que c’est moi, pas parce que j’aurais une sensibilité propice à Hélène Bessette. C’est parce que cette façon ra(va)geuse qu’elle a de faire s’entrechoquer les mots, les choses, tout, crée un espace vertigineux qui vous happe et où les choses résonnent. Et on ne peut pas mesurer l’onde de choc de ces sursauts intimes et profonds.
Alors, la nuit, dans l’ombre douce,
Le Délire la prend
La perte d’équilibre
la prend.

                                                                       La vague l’emporte.